Les origines du chien
« Les chiens descendent-ils du loup? »
De nos jours, près d’un Français sur deux partage son quotidien avec un chien, ce qui représente presque 7 millions de chiens sur le territoire national. Le rôle du chien dans les foyers évolue considérablement. Autrefois principalement utilisé pour des tâches telles que la sécurité, la recherche, la garde de troupeaux ou encore les opérations de sauvetage, il est désormais considéré comme un membre à part entière de la famille, et le nombre de races ne cesse d’augmenter. Mais le fidèle compagnon de nombreux foyers est-il réellement un descendant du loup ? Cette question suscite encore de nombreux débats parmi les amateurs comme les professionnels.
1. Les origines du premier chien
L’histoire et la chronologie de la domestication du chien s’avèrent très complexes. La question « D’où provient le chien ? » alimente depuis longtemps les débats scientifiques et les légendes. La réponse à cette interrogation a évolué au fil des découvertes et des preuves scientifiques.
La réponse la plus évidente serait le loup, mais de quel loup parlons-nous précisément ? Le loup gris (Canis Lupus), superprédateur de l’hémisphère nord, se trouve au sommet de la chaîne alimentaire, sans prédateur naturel. Son origine remonterait à 800 000 ans. Les lupinés sont très diversifiés avec environ quarante sous-espèces actuelles. Ils sont les seuls grands carnivores à avoir survécu à l’extinction de masse du Pléistocène (il y a 50 000 à 100 000 ans), grâce à leur comportement prédateur flexible et leur résilience écologique.
La paléontologie apporte des éléments importants au débat sur l’origine du chien. Toutefois, les analyses ostéomorphologiques (étude de la taille et de la morphologie des os) utilisées pour distinguer les proto-chiens restent difficiles à interpréter. Charles Darwin a souligné que des changements phénotypiques (caractéristiques physiques observables) sont constatés chez les animaux domestiqués. Au fil des millénaires, des changements physiques ont été observés chez les canidés domestiqués grâce à cette approche ostéologique. En complément, l’archéologie fournit des informations sur les premières interactions entre humains et canidés, mais il est difficile d’en déduire la signification de ces maigres indices.
C’est finalement les avancées majeures de la génétique et l’étude de l’ADN qui tendent à résoudre le mystère de l’origine du « premier chien ». Des échantillons d’ADN prélevés sur des canidés anciens et modernes de tous les continents sont analysés. Ces analyses révèlent une histoire démographique et phylogénétique très complexe du loup gris à travers les âges.
Ces études ne permettent pas encore de déterminer les origines géographiques, les circonstances et la chronologie de l’apparition du chien domestique. Toutefois, elles confirment que les chiens descendent du loup et précisent cette affirmation. Les chiens modernes seraient issus du loup préhistorique, aujourd’hui éteint, ancêtre commun avec les loups modernes, dont ils sont finalement assez éloignés.
2. Evolution reliée à l’évolution humaine
Le débat sur la chronologie de la domestication du loup préhistorique est l’un des sujets les plus animés dans le domaine des sciences de l’évolution. La domestication du chien est étroitement liée à l’évolution humaine, et l’évolution du loup en général est également très importante.
Dans les temps préhistoriques, les humains et les loups avaient une relation complexe appelée « compétition inter-guilde », dans laquelle les humains, en tant que super-prédateurs, rivalisaient avec les loups pour les mêmes proies. Lorsque les humains ont quitté l’Afrique et ont commencé à s’installer en Europe, ils sont entrés en compétition avec de nombreux autres prédateurs, dont les loups. Cependant, contrairement à tous les autres prédateurs, les loups ont réussi à survivre à l’arrivée des humains modernes il y a environ 50 000 ans. Les ours ont également survécu, mais tous les autres prédateurs ont été éliminés. Les loups ont donc dû s’adapter et être flexibles pour survivre face à ce nouveau prédateur.
Il y a environ 12 000 à 13 000 ans, les humains ont évolué en chasseurs-cueilleurs, entraînant un changement considérable dans leur mode de vie avec une augmentation importante du comportement sédentaire. Par conséquent, ils étaient plus susceptibles de rester dans un même endroit, ce qui, comme on peut encore le constater aujourd’hui, entraînait l’accumulation de déchets. Les restes de nourriture étaient alors jetés, et ces déchets étaient très appétissants pour les loups, ayant un régime alimentaire similaire à celui des humains. C’était une occasion en or pour le loup, qui avait du mal à survivre depuis l’arrivée de ce super-prédateur. Cette opportunité leur a donné un avantage sélectif : avoir accès à une nouvelle source de nourriture incroyable sans avoir à chasser. Toutefois, cet avantage impliquait tout de même une adaptation de leur part, comme nous allons le voir par la suite.
3. Domestication V.S Auto-domestication
Charles Darwin a abordé le sujet de la domestication dans son livre « L’Origine des espèces ». Ses théories ont été éclairées par les éleveurs de chiens de l’époque victorienne, qui sélectionnaient artificiellement les animaux sur leurs traits comportementales et morphologiques. Il est assez surprenant de constater que la plupart des races de chiens que nous connaissons aujourd’hui (comme le Chihuahua, le Labrador ou le Grand Danois) ont fait leur apparition il y a seulement environ 150 ans, et qu’elles n’existaient pas auparavant. Cela implique donc qu’elles ont toutes été sélectionnées artificiellement et élevées en fonction de traits morphologiques et comportementaux spécifiques.
Nous sommes conscients que les races de chiens sont issues d’une sélection artificielle effectuée par les humains, mais qu’en est-il des tout premiers chiens ? Nous savons que le chien est issu du loup, et nous avons évoqué précédemment les relations complexes entre les humains et les loups pendant la préhistoire. Il est donc peu probable que les humains préhistoriques aient volontairement sélectionné et élevé des loups sur plusieurs générations pour créer un « autre type de loup ».
Comme nous l’avons vu précédemment, la sédentarisation des humains a apporté un avantage sélectif aux loups, en leur offrant une ressource alimentaire. Toutefois, pour accéder à cette ressource, les loups ont dû devenir plus amicaux avec les humains et moins craintifs. La théorie est donc que certains loups plus agressifs et craintifs ont continué leur approche de chasse traditionnelle, tandis que d’autres loups moins craintifs et plus amicaux ont évolué au fil des années, ce qui a conduit à une sélection naturelle. Cette sélection naturelle a finalement conduit à des adaptations morphologiques et comportementales. En fin de compte, ce ne sont donc pas les humains qui ont domestiqué le loup pour en faire le chien moderne que nous connaissons aujourd’hui, mais bien certains loups qui nous ont choisis et qui se sont auto-domestiqués au fil des années.
Pour finir, cette théorie d’auto-domestication pourrait également expliquer pourquoi les chiens modernes ont la capacité de lire les gestes humains, comme cela a été démontré par de nombreuses études, notamment dirigées par le professeur Brian Hare de l’université de Duke. Cette découverte a été très surprenante, car à ce jour, le chien est la seule espèce connue capable de lire les gestes humains. Cette capacité a également été étudiée chez certains grands singes, qui malgré leur similitude avec les humains, ont été démontrés comme ne possédant pas cette capacité.
Sources :
- SSC, Société Centrale Canine
- Elodie-Laure JIMENEZ, Université de Aberdeen, 23 Janvier 2023, « Le chien descend-il vraiment du loup ? », tiré du site The Conversation
- Brian HARE, Université de Duke, 5 février 2013, « The Genius of Dogs : How Dogs Are Smarter than You Think. »